Ecrit par Salima Djermoune, pour berberosaharan.com 17 Aout 2011
Yemma asmi imazziyeth… (Maman quand elle était petite….)
Ma maman (Yemma en kabyle) est née à Barbacha,un petit village de montagne en petite Kabylie. Elle a vécu dans la modeste maison familiale où vivaient parents et enfants, un garçon et sept filles. Ma maman est la 4ème enfant de cette grande fratrie.
Quand elle évoque son enfance et sa jeunesse passée dans les montagnes retirées de Kabylie, je ressens la rareté de ce bonheur simple sans artifice, parfois si difficile à concevoir de nos jours dans nos sociétés actuelles de consommation.
Yemma et sa famille ne consommaient que le fruit de leurs récoltes ou les produits locaux, le lait de leur chèvre et les œufs de leurs poules. S’agissait-il d’un développement durable avant-gardiste… ??? A cette époque, la viande était plutôt une denrée rare contrairement au poisson qui se trouvait à foison. D’ailleurs, la pratique du troc se faisait régulièrement à ce moment là, pour deux œufs on obtenait un kilo de poisson. Yemma me rappelle souvent que les odeurs des fruits, des légumes, le goût des plats délicieusement parfumés,sont ancrés dans sa mémoire et, ce goût et ces odeurs, si ensoleillés et si imprégnés, elle ne les retrouve pas de nos jours malgré l’abondance des épices venus des quatre coins du monde…Ces senteurs et ces plats avaient-ils tout simplement le goût de l’insouciance et de l’innocence??
Malheureusement je n’ai pas de photos de ma maman petite mais j’aime à l’imaginer quand elle était enfant…longs cheveux clairs coiffés de nattes et teint très clair, yeux noisettes, joues rosies par la chaleur ou par le froid de la montagne, vive et alerte, un peu espiègle sur les bords, prête à faire les 400 coups…
Enfant, elle était très débrouillarde et dégourdie (thahrouch en kabyle); ma grand-mère maternelle Gida Hézia, que je n’ai malheureusement pas connue, faisait toujours appel aux services de ma maman pour des courses qui nécessitaient de la rapidité… Yemma me dit toujours que si elle avait eu l’opportunité de pratiquer un sport dans sa jeunesse, elle aurait choisi l’athlétisme et qu’elle aurait été certainement championne !! Et pour ça je n’en doute pas une seule seconde car même à l’heure actuelle, elle a un rythme de marche très soutenu !!
Yemma n’a pas été scolarisée, comme beaucoup à l’époque, mais a appris un savoir-être et un savoir-faire si précieux que j’admire énormément. Dans notre culture kabyle, une jeune fille doit apprendre les rudiments de la cuisine, doit apprendre à tenir correctement une maison, à bien se comporter vis-à-vis de la famille et de l’entourage etc… et cela est très respectable et très honorable. Je répète souvent à ma mère que si elle avait eu la chance de faire des études, à cette époque, elle aurait très certainement réussi dans bien des domaines au regard des larges connaissances et des nobles valeurs qu’elle possède…
Yemma, curieuse et avide d’apprendre, aimait rester auprès de sa grand-mère paternelle pour l’observer faire tel ou tel plat… Et, un jour, profitant de l’absence de sa mère (Gida Hézia), Yemma demanda à sa grand-mère de la laisser faire le repas pour la famille…Elle avait, à l’époque, environ 8-9 ans (vous imaginez ??) et sa grand-mère la chahutait en lui répétant qu’elle était trop jeune et qu’elle ne savait pas faire ce plat (Abazine ou aussi appelé Berkoukes, plat traditionnel algérien à base de semoule de blé roulée à la main pour former des petites boules de pâte, qui sont ensuite cuites dans du bouillon)… Mais Yemma, têtue, insista auprès de sa grand-mère et sa brave grand-mère, qui ne pouvait rien refuser à ma maman, céda et la laissa faire… Toute fière d’elle, Yemma commença son plat en tentant d’imiter sa grand-mère…un peu de semoule, de l’eau….
Et là !! Une vraie catastrophe !!!!
Elle n’arrivait plus à s’en sortir, elle avait mis trop d’eau alors elle ajouta de la semoule, puis de l’eau et puis petit à petit, la quantité était de plus en plus importante ; elle aurait pu nourrir tout un régiment !!… Se sentant incapable de gérer la situation, elle appela sa grand-mère à la rescousse qui, voyant la catastrophe, la gronda et l’envoya nourrir les poules avec la préparation râtée….
Bien heureux qui sait tirer les leçons de ses erreurs ! Déçue mais n’enlevant rien à sa détermination et sa persévérance, son erreur fut constructive. De fil en aiguille, la pratique a crée l’expérience et aujourd’hui Yemma est une très bonne cuisinière et j’adore manger Abazine qu’elle prépare, surtout avec un filet d’huile d’olive gorgée de soleil de notre chère Kabylie!!! Un vrai délice! Miam Miam !!
A toi Yemma que j’aime très fort !!
Salima Djermoune, pour berberosaharan.com