11éme Session de l’Instance Permanente des Peuples Autochtones Près de l’ONU Communiqué sur la Situation des Amazighs d’Algérie.
A cause de son leadership dans la lutte permanente pour la défense de la cause amazighe et de sa position géographique proche de la capitale du pays, la Kabylie est particulièrement la cible du pouvoir d’Alger qui y mène une politique de répression, de graves atteintes à la liberté de réunion et d’expression, l’appauvrissement des populations, la corruption et l’encouragement officiel de l’insécurité qui étouffe les activités économiques, sociales et culturelles des habitants de ce territoire.
18/05/2012 - 00:03 mis a jour le 17/05/2012 - 23:55 par Kamira Nait Sid
Mas aslway, atma/yestma , azul fellawen
Monsieur le président, mes frères et sœurs,
En Algérie, les populations amazighophones représentent environ un la moitié de la population totale, soit 18 millions d’individus vivant principalement dans les régions montagneuses du nord du pays (Kabylie 10 millions, Aurès 3millions, Chenoua) et dans les régions désertiques du Sahara (M’zab 800 000 et l’extrême sud du pays qui est le territoire des Touaregs. La Kabylie reste la région qui compte le plus grand nombre d’amazighophones. Il existe également sur tout le territoire algérien, des centaines d’endroits où l’on parle quotidiennement des langues amazighes.
La situation des Amazighs d’Algérie
Les Amazighs, peuples autochtones d’Algérie, peuplent ce pays à côté de la composante arabomusulmane dominante. Les gouvernements de l’Algérie ont toujours servi cette domination et mené des politiques de marginalisation et de spoliation des ressources des Amazighs. L’Algérie ne reconnait aucunement le caractère autochtone des Amazighs et bafoue tous leurs droits, y compris leurs droits culturels et linguistiques, au mépris de toutes les normes juridiques des Nations Unies.
Après des décennies de luttes pacifiques et de sacrifices, génériquement la langue amazighe a accédé en 2002 au statut de langue nationale, mais 10 ans après, rien n’a changé dans les faits car ces langues sont toujours marginalisées et méprisées dans le système éducatif et dans les médias publics et exclues de l’administration, notamment celle de la justice. Il s’agit donc d’une reconnaissance de façade sans effet sur le terrain de la réalité.
Le pouvoir algérien pratique à l’encontre des populations amazighophones, de graves discriminatoires fondées notamment sur la langue et la culture (un apartheid identitaire, linguistique et culturel). Cet apartheid est appliqué avec un zèle en particulier contre le peuple kabyle.
La femme amazighe subit une double agression, liée d’une part à son identité de femme et d’autre part à son identité culturelle. Le code de la famille en vigueur depuis 1984 amendé en 2003, maintient la femme dans un statut de mineure à vie et autorise la polygamie. Ce code porte gravement atteinte aux droits moraux, économiques, sociaux et à la liberté de la femme amazighe. Fondé sur une base religieuse (la Chari’a islamique), le code de la famille place délibérément la femme dans une situation d’infériorité, de dépendance et de soumission, contraires aux valeurs culturelles amazighes et à l’idéal humain de justice, d’égalité des droits et de liberté.
A cause de son leadership dans la lutte permanente pour la défense de la cause amazighe et de sa position géographique proche de la capitale du pays, la Kabylie est particulièrement la cible du pouvoir d’Alger qui y mène une politique de répression, de graves atteintes à la liberté de réunion et d’expression, l’appauvrissement des populations, la corruption et l’encouragement officiel de l’insécurité qui étouffe les activités économiques, sociales et culturelles des habitants de ce territoire. Depuis la révolte populaire du printemps 2001 et les 127 personnes tuées par les services de sécurité, la Kabylie découvre des phénomènes inconnus jusqu’alors : attentats, kidnappings, faux barrages, rackets, séquestration ou bannissement des opposants, menaces de morts, agressions, vols en plein jour, drogue, islamisation et arabisation des villages, destruction du patrimoine naturel et culturel, militarisation…etc.). Cela prive les jeunes générations de tout espoir et les accule vers des gestes extrêmes tels que le suicide qui a atteint des niveaux jamais égalés ou les boat peoples.
Nous le disons partout et le redisons ici : si cela continue ainsi, de graves explosions politiques sont à craindre à brève échéance, à l’image de ce qui s’est passé hier en Tunisie et en Libye et aujourd’hui en Syrie. Nous pensons que maintenir une telle gouvernance hyper centralisée où tout est décidé à Alger et où les Amazighs n’ont aucun droit à la parole et à la décision sur les questions qui les concernent, est dangereux, y compris pour toute l’Algérie. Il faut une profonde réforme de l’Etat qui accorderait un statut de large autonomie à la Kabylie et à toutes les régions amazighes d’Algérie, conformément au vœu des populations concernées et du droit international. Cela ferait cesser le conflit permanent entre les Amazighs et le gouvernement et ouvrirait enfin des perspectives de développement des territoires amazighs et la sauvegarde de leur identité socioculturelle.
Nos recommandations sont :
- La reconnaissance du droit à l’autodétermination des peuples amazighs, notamment pour le peuple kabyle qui le réclame.
- Pour la consécration de l’amazighité de l’Algérie à travers l’histoire, les langues, les cultures, ainsi que sur les plans identitaire et civilisationnel
- La reconnaissance des langues amazighes comme langues officielles et prévoir les moyens conséquents pour leur promotion,
- La vérité et la justice concernant l’assassinat de Matoub Lounes survenu le 25/06/1998,
- Jugement des assassins des 127 jeunes tués en 2001,
- L’abolition du code de la famille qui est une offense à la femme,
- La liberté de culte, de réunion et d’expression,
- Partage équitable des ressources naturelles du pays (pétrole, gaz et autres),
- La reconnaissance des peuples amazighs d’Algérie, comme peuples autochtones,
- La mise en œuvre de la déclaration des droits des peuples autochtones.
Kamira Nait Sid
Présidente de l’association de femmes de Kabylie